Mohamed Ghonim,
Le sphienx de Lombardie
Mohamed Ghonim, autodidacte de quarante ans a un parcours atypique dans l’histoire de
l’immigration africaine en Italie. En 1980, il a commencè comme
la plupart des immigrés, en travaillant dans des restaurants. Mais,
tout en apprenant à cuisiner les pâtes, il s’est aussi efforcè
d’améliorer sa pratique de la langue de Dante. Au bout du compte,
il s’est si
bien perfectionnè dans l’art culinaire qu’il a pu ouvrir son propre
restaurant, du côté de Valmadrera, non loin de Bergame.
En souvenir de ses origines égyptiennes, il l’ à baptisè” La
Sfinge”: le Sphinx. Pour lui, venir implanter ce symbole
multimillënaire de l’Afrique au coeur d’un des berceaux de la
civilisation occidentale était une revanche sur la vie.
Le Sphinx a très bien marché, et notre homme a ouvert un
deuxième restaurant, le Sphinx d’Or (en italien la Sfinge d’0ro) ,à
Oggiono.
Mohamed est désormais patron en Italie : il a douze employés, ses
tables ne désemplissent pas, et les connaisseurs estiment que ses pizzas sont parmi les meilleures de
la province de Lecco . Il a même créé une spécialité, la pizza du pharaon”,
fort prisée par ses clients. Le patron égyptien aurait pu se contenterde cette réussite et s’endormir sur
ses lauriers.
Mais ce fils du Nil consacre en fait ses rares instants de liberté à sa passion: l’écriture. Entre une
pizza et deux “carne alla griglia”, il ècrit trois lignes, “surtout la nuit” Prècise-t-il. On n’est pas issu
d’une civilisation qui a inventé lle papyrus pourrien… D’ailleurs, il avoue: “Tout jeune, en ègypte je
faisais da théàtre.
J’ai toujours, mis en scène des persornnage.”
Le premier résultat de ses activités nocturnes apparaît au grand jour en 1994, sous la forme d’un
livre intitulé Il Segreto de Barhume (1) , “Ie Secret de Barhume”. Un roman qui met en relief une
humanité sans fard, dont les personnages sont victimes de la science sans conscience, avec force
manipulations génétiques et autres clonages. Le livre fait un tabac, d’abord au nord de l’Italie : la
critique est exceliente, et en librairie, on ne trouve presque plus d’exemplaires do roman du
restaurateur. Tout le pays veut soudain savoir qui est cet ègyptien qui manie si bien la langue de
Manzoni.
Verres et vers
entremélès
L’année suivante, il publie Quando cade la mashera (2) une deuxième fiction où l’auteur va à la
recherche de l’homme vrai. Si l’Italien moyen trouve bizarre que le chemin d’un immigrè croise le
succés, Mohamed ne peut pas pour autant s’abstenir de raconter ses vérités.”Je suis ici en Italie pour
représenter l’Afrique”, clame-t-il. Et d’expliquer que son, but est de, montrer aux Européens la
richesse et l’éternité de la culture africaine. C’est pourquoi il a choisi d’écrire dans la langue que ses
interlocuteurs peuvent le mieux comprendre: la leur. Mohamed Ghonim,qui a épousé une Italienne –
mais il tient à preciser que sa femme l’a rejoint dans la foi islamique – estime qu’il faut aller au-delà
des frontières. Car, dit-il, quelle que soit la peau d’un individu, celuici porte un masque. Ce qui
compte, c’est ce qu’il y a derrière. Sa deuxième oeuvre tourne autour de cela :”Quand tombe le
masque”. Lorsqu’on lui demande quelles sont ses sources d’inspiration, Mohamed rèpond sans
ambages : “Mes restaurants !” Et l’on découvre enfin le lien entre ses deux métiers: le jour, il sert
des plats, la noit il se sert de ses clients pour en faire de, personnages. En somme, après avoir
nourrit les corps,il alimente l’esprit.
L’annèe 1997 a été fructueuse pour Mohamed ghonim. Un jury de la ville de Rimini a primé un de
ses textes, ‘Tramontana”, et une maison d’édition a réédité son prermier roman (3). En octobre
dernier, son prermier recueil de poèmes, Il Canto dell’amore (4), est paru, et les critiques littéraires
de Lombardie ont rivalisé d’éloges. L’Eco di Bergamo a même titré : “Le chant d’amour qui vient
d’Egypte”. C’est que ce recueil de poèmes fait figure de sonnette d’alarme dans une société italienne
en manque de repères. Ces phrases martèlent comme un réveille-matin les consciences endormies,
une façon de ressusciter la parole sacrée, celle du jeu, du souffle de la vie, la parole comme arme
contre les injustices.
Romano Prodi
dans son fan-club
Les vers de Mohamed Ghonim sont écrits dans une langue si pure, un style si recherché, qu’un
journaliste italien a dit à l’auteur : “Tu es venu enseigne, l’italien aux Italiens”. Le poète en rajoute,
mi-blagueur mi-vantard : “Ce que j’écris est souvent d’une telle portée intellectuelle que mes
lecteurs italiens sont souvent obligés d’aller consoulter le dictionnaire plusieurs fois”.
Désormais, toute l’Italie se dispute cet immigré qui vend des pizzas et écrit aussi bien en vers qu’en
prose . Les radios et les télés se l’arrachent, il est invité par les maires à donner des conférences sur
le racisme, l’immigration et l’intégration. “Est-ce que le sang qui coule dans tes veines est diffêrent
du mien ? Est-il aussi rouge ?”, a-t-il questionné comme un leitmotiv, en 1997, année décrêtée
“contre le racisme” par le Parlement européen. Le président du Conseil Romano Prodi soi-même est
venu à la rencontre de l’écrivain, lequel lui a dédicacé sa derniêre oeuvre. La photo qui immortalise
la rencontre entre les deux hommes orne l’entrée du restaurant “La Sfinge” : Mohamed est fier de
cette image, lui, le descendant des pharaons, en face du successeur des césars. Ce fils d’Afrique fait
désormais partie du Who’s who milanais. Le 17 février prochain, il rencontrera le meilleurs
critiques de la presse italienne pour un débat sur son oeuvre, à bâtons rompus. Alléchés par ce coup
mediatique, plusieurs éditeurs italiens lui font la cour. Mais Mohamed Ghonim est un peu déçu par
les propositions de la plupart d’entre eux : “Ils veulent que j’écrive sur le sexe. Cela heurte mes
convictions religieuses. Je préfère rester moi-mème.” Effectivement, le succès ne semble pas avoir
changé ses habitudes de vie. Les curieux peuvent levoir, le soir, dans l’un ou l’autre de ses
restaurants.
Malgré tout, Mohamed est encore insatisfait . Il souhaite que ses livres soient édités en français,
pour atteindre une cible plus large. Mais le poète a aussi des raisons d’être heureux :”Il mio canto”,
le premier poème du recueil “Il Canto dell’amore”, est publié en arabe et en italien. Pendant qu’il
concocte la recette d’une nouvelle pizza, Mohamed Ghonim a déjà en chantier son proche livre, “La
Mort d’une ile”. Un bout de terre ce qui s’en va, dans les eaux de l’Adratique on celles du Nil, laisse
toujours un arrière-goût de mélancolie.
(1) Mohamed Ghonim, Il Segreto di Barhume, les Culture 1994
(2)Mohamed Ghonim,Quando cade la maschera , Les Culture1995
(3)Mohamed Ghonim, Il Segreto di Barhume, Fara Editore 1997.
(4)Mohamed Ghonim, Il Canto Dell’amore , Les Culture
L’AUTRE AFRIQUE DU 4 AU 10 FE’VRIER 1998.
EYOUM NGANGUE’ (MILAN).
MON SILENCE
Traduzione della poesia “Il mio silenzio”
Mon silence Extrait du recueil
“Il Canto dell’amore”
(Traduction libre)
Mon silence parle,
Mes écrits
diffusent des secrets
et l’amour et 1a solitude
dévoilent mes vers.
L’amour est mon sort
l’encrier mon épée
le bourgeon de ma pensée
germe dans la terre.
Je semeai
en offrant sans récompense
et sans prix au chaland ?
Qui achète mon silence ?
Fruit viscéral, perle
comme une mer impétueuse
au fond de ses abimes secrets
comme l’immensitè de1a terre
et les trésors
dans ses profondeurs
comme un soleil de pierre
qui exhale sa lumière;
comme un luth dans le silence
au cœur de sa mélodie l’extase;
comme l’abeille silencieuse
féconde sans récompense
j’offre mon silence
Qui, parmi vous, peut en tirer un gain ;
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